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AFRIQUE – POLITIQUE : Antoin Miaro écrit à Gavroche

Date de publication : janvier 27, 2025
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En échangeant banalement hier avec un des comparses du pouvoir dans mon pays, j’ai été tenté de croire que l’Afrique n’est pas mûre pour la démocratie. Je m’interroge encore ce soir quant à savoir pourquoi le vent de la liberté qui a soufflé sur le continent au cours des années 1990 a accouché un peu partout des César africains entourés d’une noria de thuriféraires prêts à consentir des sacrifices pour eux ?

 

A ce questionnement empreint probablement de naïveté, je ne trouve pas encore de réponse. Un second questionnement m’a hanté l’esprit. C’est celui de savoir pourquoi le vent de l’Est qui a soufflé si rageusement sur le continent a connu un déclin de puissance à seulement trois décennies plus tard ? Cependant, si je suis convaincu que le discours de la Baule qui a eu une forte résonance auprès de la classe politique africaine a fait son temps, mais qu’il a déclenché un processus ayant dérivé sur des alternances à la fin du 20ème siècle, je n’ai par contre aucun doute de ce que la puissance de l’ouragan du changement s’est évanouie totalement cédant le parvis au pire. Aux temps chauds, ce furent les alternances en cascade qui ont gagné la plupart des Etats y compris la forteresse d’Abdou Diouf au Sénégal qui semblait imprenable. « Sopi » avait eu raison de son régime. On a cru à cette époque que le processus était irréversible.

 

Paradoxalement, chasser le naturel, il revient au galop.

 

Sans la main incendiaire de Jacques Foccart, le curseur qui fut très avancé est revenu au point de départ. Les peuples africains ont vu ressurgir le cancer de putsch militaire d’une part, tandis que les techniques chirurgicales de confiscation du pouvoir à travers les parjures et les changements constitutionnels se sont propagés d’autre part. Des Chefs d’Etat névrosés et paranoïaques dominent la scène politique africaine après avoir balayé rudement toute opposition et entravé toute possibilité d’alternance. Et pourtant les contre-performances de leur gestion économique, financière et sociale sont ressenties depuis Bretton Woods jusqu’au plus profond de nos villages africains. Le peuple est devenu ainsi la victime innocente de l’incompétence, de la duplicité et de la violence de la classe dirigeante. Les gouvernements africains ont longtemps eu un discours unanime consistant au rejet de leur incurie sur le dos des partenaires bilatéraux et multilatéraux : la France, le Royaume-Uni et la Banque Mondiale. C’est l’Occident. Seule la Russie est vierge de cette accusation. La ruée des chefs d’Etat vers Sotchi pour les grandes messes Russie-Afrique illustre bien la fuite en avant vers l’eldorado sécuritaire qu’est la Russie afin de gagner la confiance du grand gourou de la Russie qui peut leur assurer la protection grâce aux mercenaires des multiples sociétés militaires russes et cela contre l’exploitation ravageuse de leur potentiel minier.

 

En Centrafrique un contrat apocryphe est signé avec la SMP Wagner pour une mystérieuse exploitation de la mine la plus prolifique du pays sans jamais que le Trésor centrafricain n’en connaisse les retombées. Pour sûr qu’un contrat analogue sera imposé au Niger pour l’accaparement de la mine d’uranium d’Imourarem à propos duquel le gouvernement nigérien a procédé à un basting en règle de la France. A n’en pas douter, le Mali et le Burkina pétris d’or et de minerais en tous genres tomberont sous le même diktat. Hélas, le rituel de la coopération économique est de déshabiller Napoléon pour habiller Raspoutine ! Allez y voir la logique. L’Afrique n’a-t-elle pas connu jusqu’ici deux révolutions ? La première a consisté dans l’accession à l’indépendance de tous les pays. La seconde a été celle de la libéralisation de son espace politique survenue au forceps dans les années de foudre 1990. Beaucoup croyaient à cette époque que l’adoption des constitutions dites démocratiques sur le modèle des démocraties européennes garantirait les libertés fondamentales, la justice, le jeu démocratique et le progrès économique et social. Et par la suite, une troisième révolution envisagée serait celle de l’émergence économique. Grave erreur ! Déjà la mise en œuvre des ODD a du plomb dans l’aile. Et pour pasticher Charles Baudelaire, je me demande comment l’albatros peut-il quitter le navire si ses ailes de géant l’empêchent de voler ?

 

Les africains conscients constatent qu’alors que les pays s’enfoncent dans une putride deséconomie et sombrent de plus en plus dans la paupérisation, les appétits de pouvoir insensés de certains de leurs contemporains ont engendré une race d’hommes pathologiquement partisans du statu quo et dangereusement obnubilés par le parjure, les tripatouillages de votes, le verrouillages constitutionnels, la pensée unique, la violence politique. Les résultats des plébiscites à 99% des voix illustre bien la nouvelle tendance tandis que les taux de participation à ces simulacres s’amenuisent illustrant ainsi le désamour entre le peuple et ses dirigeants. A voir ce qui se passe en Algérie, en Egypte de Al Sissi, et en Tunisie de Kaïs Sayed, détonatrice du Printemps arabe, on conclut que le Maghreb arabe est à l’image des autres parties du continent africain. C’est dire qu’une vengeance de mégalomanes narcissiques règnent sur l’Afrique, qui au terme de leur quota électif s’abusent de confisquer le pouvoir et souvent servent des fast-foods référendaires et électoraux en guise d’élection libre et transparente et pour d’autres entreprennent de prendre le pouvoir par la force des armes, avec la complicité criminelle de certains africains mêmes.

 

Au terme de ce rapide survol de la situation socio-politique africaine, je suis tenté de me convaincre, non pas que l’Afrique ne soit pas mûre pour la démocratie, mais que l’Afrique est irréversiblement dans l’œil du cyclone. Ce bien triste constat appelle un autre questionnement : quel legs laisseront nous en héritage à la postérité ?

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