L’Afrique fait face aux défis de l’alternance démocratique et apaisée. Difficile donc pour les pouvoirs en place d’organiser les élections et de les perdre. Face à ce phénomène les oppositions politiques trouvent comme seule stratégie, la politique de la chaise vide pour faire pression sur les pouvoirs en place. En Centrafrique et au Tchad deux pays d’Afrique centrale, cette option semble faire cas d’école.
Contre toute attente, l’ancien premier ministre tchadien et leader du parti les transformateurs Succès Masra a annoncé dimanche dernier qu’il ne participera pas aux élections législatives et locales. Selon lui, « il ne peut pas servir de caution aux élections dont les résultats sont connus d’avance ».
Cette annonce est faite lors de la 2e célébration de la mémoire des victimes du jeudi noir d’octobre 2022. Ce jour-là, à son appel, les Tchadiens sont sortis nombreux dans la rue pour défier le régime de transition militaire de Mahamat Deby Itno. Plusieurs morts ont été comptabilisés ce jour-là même si le gouvernement et l’opposition continuent de se livrer à une guerre de chiffres autour de ces évènements sombres du Tchad.
Nommé premier ministre suite à la facilitation du président RD Congolais Félix Antoine Tisekedi, l’opposant Masra ne reconnait toujours pas les résultats des élections presidentielles ayant permis la victoire du fils Deby et le retour à l’ordre constitutionnel au Tchad.
Force politique de l’opposition, les transformateurs ne seront pas dans l’ordre de bataille politique pour les élections locales.
« Les résultats de ces élections sont déjà dans les ordinateurs comme ce fut le cas de la dernière présidentielle » a souligné Succès Masra devant un parterre de journalistes et médias nationaux et internationaux.
Le leader des transformateurs exige la refonte des organes en charge d’organisation des élections telle que l’Autorité Nationale de Gestion des Elections et bien évidemment l’organe constitutionnel.
Cas similaire
En Centrafrique la crise est aussi profonde et l’opposition réunie au sein du Bloc des Républicains pour la Défense de la Constitution (BRDC) a annoncé qu’elle ne participera pas aux élections locales et régionales. Ces leaders réunis entendent protester contre le fait que les organes en charge des élections sont inféodés au pouvoir et ne sont pas indépendants. Ils exigent la réforme de l’Autorité Nationale des Elections (ANE) et du Conseil Constitutionnel.
Mais à qui profite cette politique de chaise vide ?
Interrogé sur cette question Anicet Georges Dologuélé est serein et méthodique. « Aller aux élections requiert, un investissement et les organes tels que l’ANE et le Conseil Constitutionnel ne roulent que pour le pouvoir. Alors on les laisse faire car on ne peut servir de caution a des elections dont les resultats sont dictes par le regime en place » a indiqué à Gavroche Centrafrique un des ténors de l’opposition.
Si à court termes cela semble profiter aux régime en place, les oppositions mettent la pression.
« Les opposants soit au Tchad ou en Centrafrique, sont bien conscients que les pouvoirs en place sont en quête de légitimité et sans leur participation, personne ne peut accorder du crédit au régime. Donc ils espèrent profiter de cette considération pour peser sur les pouvoirs en place et les contraindre à lâcher prise » a indiqué à Gavroche-RCA Hubert Bandjo, observateur de la vie politique.
Gros risque pour la communauté internationale de se tirer une balle dans les pieds
Les élections, qu’ elles soient contestées ou pas, sont financées ou supervisées en grande partie par la communauté internationale. On peut citer entre autres, l’Union Européenne, l’Union Africaine et les organisations sous régionales telles que la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale, la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale et autres qui aujourd’hui peinent à parler des valeurs de démocratie, de bonne gouvernance à ces régimes.
« Nous sommes dans un contexte géopolitique complètement différent des années antérieures. Si on regarde ce qui se passe au Sahel, ces organisations en proie à l’influence de la Russie sont obligées de faire avec l’existant mettant ainsi sous les tables les valeurs de démocratie, de transparence dans les élections comme condition d’aide à ces pays. L’évoquer même peut contraindre certains pays à s’orienter vers Poutine. Alors ne pas le faire signifie que la communauté internationale risque de consommer son dernier crédit de confiance et devenir de moins en moins crédible à long terme ». a conclu Hubert Bandjo.
La politique de chaise vide n’a qu’une valeur symbolique mais joue beaucoup dans le rapport des Etats avec la communauté internationale.