Interrogé par Radio France Internationale, L’expert indépendant de l’ONU sur les droits de l’homme en Centrafrique s’inquiète d’un rebond des violations des droits humains dans le pays depuis le début de l’année. Le juriste togolais Yao Abgetse vient de livrer un point sur la situation au Conseil des droits de l’homme des Nations unies. La moitié des violations recensées sont le fait des forces de sécurité, des agents étatiques et de leurs alliés, notamment russes ; l’autre moitié est du fait des groupes armés, qui depuis quelques mois se montrent plus actifs. Autre inquiétude : la brouille avec les partenaires financiers pourrait amener à une dégradation de la situation sécuritaire et humanitaire, alors que 63% de la population a déjà besoin d’aide humanitaire ou de protection.
RFI : Selon les chiffres de la Minusca sur lesquels vous vous appuyez, après une baisse entre le premier et le second semestre de 2021, les violations des droits humains sont fortement reparties à la hausse entre janvier et juin 2022. Comment vous l’expliquez ?
Yao Agbetse : De janvier à juin 2022, il a été documenté plus de 436 incidents qui impliquent plus de 1 319 victimes, et ce qui explique surtout cette situation, c’est qu’il y a une résurgence, en fait, au niveau des groupes armées depuis trois mois. On constate que les mouvements qui font partie de la CPC attaquent régulièrement les positions des Faca et les populations civiles un peu partout dans le pays, notamment au nord-est, de la Haute-Kotto, à Ouadda Djallé près de la frontière avec le Soudan, dans la Vakaga, à Dimbi dans la Basse-Kotto. Donc un peu partout dans le pays, il y a ces attaques de la part des groupes armés, notamment de la CPC et plus particulièrement de l’UPC.
Yao Agbetse, une de vos inquiétudes, c’est que les crispations entre Bangui et les partenaires financiers qui ont coupé leur aide budgétaire directe aient un fort impact sur le respect des droits humains dans le pays. Vous dites, « si la situation critique actuelle se poursuit, la RCA court le péril d’un effondrement ».
Tout à fait. Les appuis budgétaires qui ont été convenus depuis 2021 et qui représentent environ 5% du PIB n’ont pas été débloqués par la Banque mondiale et l’Union européenne. Ce qui pose un problème en termes de capacité de la part des autorités centrafricaines à engager les programmes et notamment à financer les services publics essentiels. Les partenaires techniques et financiers, notamment la Banque mondiale, l’Union européenne et le FMI, reprochent à l’État de ne pas être en conformité avec un certain nombre de critères et de conditions qui étaient convenus au départ, et qu’il y a un manque de transparence notamment en ce qui concerne les dépenses liées à la sécurité. Certes, je comprends tout à fait que les bailleurs de fonds puissent s’attendre à ce que les autorités centrafricaines se conforment aux accords qui ont été convenus au départ. Et donc quelles que soient les décisions, quels que soient les manquements constatés, il est nécessaire que les bailleurs de fonds puissent justement tenir compte d’un certain nombre d’éléments. Notamment le fait de s’assurer que les projets de développement, les projets sociaux, les projets humanitaires ne puissent pas pâtir justement des sanctions liées au non-respect des engagements pris par les autorités centrafricaines.
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