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CENTRAFRIQUE – POLITIQUE : François Bozizé rêve encore d’un retour au premier plan

Date de publication : mai 31, 2025
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L’ancien président centrafricain François Bozizé Yangouvonda fait à nouveau parler de lui sur la scène politique nationale. À travers des déclarations sur les réseaux sociaux où il affirme que “les Centrafricains l’aiment toujours” et que “personne ne peut le battre s’il se présente à la présidentielle”, l’homme de 78 ans semble nourrir des ambitions politiques malgré un lourd passif judiciaire et une situation légale complexe. Cette posture publique, masque-t-elle une réalité plus sombre, comme un arbre qui cacherait la forêt ?

 

Un parcours politique tumultueux

 

François Bozizé Yangouvonda, né le 14 octobre 1946 à Mouila (actuel Gabon), est une figure controversée de la politique centrafricaine. Militaire de carrière, il a accédé au pouvoir par un coup d’État en mars 2003, renversant le président Ange-Félix Patassé. Il a ensuite dirigé la Centrafrique pendant dix ans, jusqu’à son propre renversement en 2013 par la rébellion Séléka, le contraignant à l’exil.

 

Son parcours est jalonné de retournements politiques et de violences. Après avoir servi sous le régime de Jean-Bédel Bokassa dans les années 1970, où il fut impliqué dans la répression sanglante de manifestations étudiantes , Bozizé a connu plusieurs exils avant de revenir au pays en 2019, malgré un mandat d’arrêt international émis contre lui par la justice centrafricaine en mai 2013.

 

Une candidature empêchée, mais des ambitions persistantes

 

En 2020, Bozizé a tenté de se présenter à l’élection présidentielle, mais sa candidature a été invalidée par la Cour constitutionnelle centrafricaine. Les motifs invoqués étaient doubles : d’une part, les poursuites judiciaires pour “assassinats, arrestations, séquestrations, détentions arbitraires et tortures” dont il fait l’objet, et d’autre part les sanctions onusiennes qui pèsent sur lui depuis 2014.

 

Pourtant, comme le note un observateur, “Bozizé a manœuvré politiquement et militairement pour son retour au pouvoir, par les urnes ou par la violence”. Ses récentes déclarations sur les réseaux sociaux confirment cette volonté de rester un acteur politique majeur en Centrafrique, malgré les obstacles légaux.

 

Un lourd passif judiciaire

 

Le compte que François Bozizé doit rendre à la justice centrafricaine est particulièrement lourd. Il est accusé par les Nations unies d’avoir créé ou soutenu les milices anti-balaka, responsables selon l’ONU de “crimes de guerre et crimes contre l’humanité” commis contre la population musulmane centrafricaine après son départ en 2013.

 

Le Comité des sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU a établi que “Bozizé a, en liaison avec ses partisans, encouragé l’attaque du 5 décembre 2013 contre Bangui” et qu’il “a demandé à ses milices de poursuivre les atrocités contre le régime actuel et les islamistes”. Ces accusations graves rendent sa situation juridique particulièrement délicate et posent la question de son éligibilité.

 

Une popularité réelle mais contestée

 

L’affirmation de Bozizé selon laquelle “les Centrafricains l’aiment toujours” mérite d’être nuancée. Issu de l’ethnie Gbaya, l’une des plus importantes du pays, il dispose effectivement d’une base populaire certaine et compte encore des fidèles dans l’armée . Certains segments de la population, particulièrement dans les régions où son ethnie est majoritaire, pourraient effectivement lui rester favorables.

 

Cependant, son implication présumée dans les violences post-2013 a considérablement entaché son image. Comme le souligne un analyste, “son nom est associé aux pires heures de la guerre civile qui sévit depuis sept ans”. La communauté internationale, par le biais des Nations unies, le considère comme un facteur de déstabilisation du pays.

 

Une stratégie de communication calculée

 

Les déclarations récentes de Bozizé sur les réseaux sociaux s’inscrivent dans une stratégie de réhabilitation politique. Depuis son retour en Centrafrique, il se présente comme un “homme de paix”, selon les termes de Christian Guenebem, secrétaire adjoint de son parti, le Kwa Na Kwa (KNK) : “Il n’est plus le même après sept ans d’exil et de solitude, il a à cœur de laisser une autre image”.

 

Cette posture contraste fortement avec les accusations qui pèsent contre lui. Comme le note Nathalia Dukhan de l’ONG The Sentry, la situation actuelle fait craindre que Bozizé, “déjà auteur de plusieurs tentatives de putsch depuis près de 40 ans, n’essaie de reprendre le pouvoir par la force”.

 

Un avenir politique incertain

 

La volonté affichée par François Bozizé de jouer à nouveau un rôle politique majeur en Centrafrique se heurte à plusieurs obstacles majeurs : son inéligibilité potentielle due aux poursuites judiciaires, les sanctions internationales, et une image gravement endommagée par son implication présumée dans les violences post-2013.

 

Comme un arbre qui cache la forêt, ses déclarations optimistes sur les réseaux sociaux masquent une réalité plus complexe et plus sombre. La question n’est pas seulement de savoir s’il peut se présenter aux élections, mais surtout si la Centrafrique est prête à tourner la page sur une décennie de violences dans laquelle son rôle reste controversé.

 

Alors que le pays tente difficilement de se reconstruire après des années de conflit, le retour en grâce de Bozizé poserait des défis majeurs à la stabilisation et à la réconciliation nationale. Comme le souligne un observateur, “il serait assez mal inspiré de tenter quelque chose avant les élections, car il aura toute la communauté internationale sur le dos”. Reste à savoir si l’ancien président saura transformer son discours et son image, ou s’il restera prisonnier de son passé tumultueux.

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