Le conflit entre les forces armées centrafricaines appuyées par les mercenaires russes du groupe Wagner et la population autochtone A Zande s’enlise. La population contrainte de fuir leur localité pour se réfugier dans la brousse ou dans les localités de la RD Congo. Alors que les renforts russes arrivent de Bangassou et les FACA déployées en nombre dans la zone, ce scénario fait craindre au père Aurelio Gazerra que la localité de Zemio se prépare à un affrontement jamais enregistré de son histoire.
Ce conflit né de l’implication des mercenaires russes Wagner dans la préparation, formation et équipements des miliciens locaux appelés À Zande Ani Kpi Gbe, atteint le pic d’une situation où deux communautés rivales sont prêtes à en découdre. Il s’agit des A Zande qui n’acceptent pas les peulhs dans leur localité. Ces derniers sont considérés comme des envahisseurs soutenus par la rébellion de l’UPC de Ali Darassa. Ce dernier en conflit armé avec le gouvernement vient de réintégrer l’APPR – RCA, un accord de paix qu’il a quitté en 2021 au profit d’un autre, la CPC portée par l’ancien président François Bozize en disgrâce avec le régime de Bangui.
Les peulhs persécutés peuvent compter sur le soutien de Hassan Bouba, ancien numéro 2 de l’UPC et actuel ministre de l’Elevage. Très proche des mercenaires russes Wagner, celui qui a échappé belle à la Cour Pénale Spéciale a réussi à faire former quelques leaders de son mouvement aujourd’hui capables d’affronter les A Zande. C’est dans ce contexte que les forces gouvernementales avec le soutien russe tentent de désarmer les miliciens autochtones Zande.
Un précédent fâcheux
Si le début du désarmement était un succès, car les Russes ayant demandé aux miliciens de restituer les équipements militaires à eux donnés, beaucoup sont ceux qui redoutent l’assassinat de leur compagnon d’armes, le tout, sous le silence du procureur général. Une première tentative forcée a mis le feu aux poudres, soldée par plusieurs morts.
Aujourd’hui la situation humanitaire dans une zone très reculée et dans un contexte de sous-financement largement perturbé par la décision de l’administration Trump fait de cette crise une crise oubliée. Nous avons posé la question à Tobias Schultz de la coordination de l’Action humanitaire qui nous explique les défis des acteurs humanitaires à faire face aux problèmes.
Monsieur Tobias Schultz bonjour. Quelle est situation humanitaire à Zémio et Obo?
Alors on a un peu moins de visibilité sur ce qui se passe à Obo, mais à Zémio, il y a trois jours consécutifs de sur les affrontements et en conséquence un grand nombre de personnes de la localité ont fui Zémio, soit vers la brousse soit vers les différents lieux de regroupement, soit vers le RDCongo. Cela veut dire que 80% de la population a fui et comme vous pouvez imaginer, ils n’ont pas d’abris, pas d’accès à l’eau. La Minusca a fourni quelques litres d’eau potable pour l’instant mais personne ne rentre, bientôt la situation risque de s’aggraver.
Quels sont les défis de OCHA dans une zone reculée et où la présence des acteurs humanitaires est de plus en plus faible ?
Alors le premier défi reste l’accès. Quand on parle de sécurité, on parle de la sécurité pour les acteurs humanitaires, pour avoir accès aux personnes dans le besoin. Mais également des problèmes d’accès physique. Il y a des bacs qui sont aujourd’hui cassés et les routes en cette période de pluie sont très difficiles en terme d’accès avec des gros camions et un des défis principaux de cette année c’est la mobilisation des ressources. Pour des raisons que vous connaissez mieux, aujourd’hui on a mobilisé moins d’argent qu’auparavant. On a vu des projets qui sont arrêtés brusquement et aussi la capacité à absorber les nouveaux chocs comme c’est le cas ces derniers jours est beaucoup plus faible et cela laisse la population dans une situation extrêmement vulnérable. La tendance est à un retour des déplacés sur le site pour être à l’abri. Or, le gouvernement n’est pas de cet avis et pense depuis l’année dernière qu’il faut fermer tous les sites. En avez-vous discuté avec le gouvernement à propos de ce nouveau développement ? Heureusement qu’on a un très bon dialogue avec les autorités et il y a des sites où l’intégration locale est beaucoup plus favorable. On a vu ça à Bambari où la sécurité dans la ville et autour de la ville est bonne et là, on a soutenu tous les efforts du gouvernement pour aider la population à s’installer là où elle souhaite. Par contre, on a des situations où il y a des affrontements donc de l’insécurité et on ne peut pas empêcher les personnes de se mettre en sécurité. Mais je pense qu’on a toutes les mêmes compréhensions, même si on soutient l’idée de l’intégration des personnes déplacées, mais si la sécurité ne le permet pas, on ne peut pas le forcer.
En quoi la décision de l’administration Trump affecte la réponse humanitaire dans le contexte centrafricain ?
Aujourd’hui on n’a pas encore une idée claire comment cela nous a affecté, les donateurs américains ont été très très généreux les années précédentes; ils ont amené beaucoup de ressources qui ont permis aux acteurs humanitaires centrafricains, internationaux et du système des Nations unies à travailler et apporter des ressources importantes pour le pays. Comment cela va affecter la réponse dans l’avenir c’est à voir mais jusque-là, on a heureusement des ressources qui ont été mobilisées l’année passée.
L’un des acteurs qui enveniment la situation sur le terrain c’est le partenaire du gouvernement les Russes, impliqués et cités dans cette affaire. Est ce facile pour vous de gérer une crise dont les Russes sont impliqués ?
Les Russes sont là pour soutenir les forces armées centrafricaines et nos interlocuteurs sont des FACA avec lesquels on a de très bons rapports, cela fait que pendant deux semaines, on a fourni une formation sur les principes humanitaires pour les nouveaux officiers des FACA ici à Bangui qui vont être déployés dans l’avenir et comme aussi le rôle de OCHA est la coordination civilo-militaire cela veut dire qu’on peut dialoguer avec tout le monde pour s’assurer qu’il y ait des conditions pour les acteurs humanitaires pour qu’ils puissent fournir l’assistance humanitaire.
Donc vous ne vous inquiétez pas pour les acteurs humanitaires qui sont sur place ?
On s’inquiète toujours pour les acteurs humanitaires n’importe où ici quand il n’y a pas la sécurité. Mais ce n’est pas une inquiétude particulière parce que comme je viens de dire, on a de bons dialogues à tous les niveaux et on regarde s’il y a des problèmes, on cherche le dialogue pour trouver de solution.
Avez-vous les ressources suffisantes pour tenir jusqu’à la fin de l’année si la crise persiste ?
Malheureusement, non, je pense qu’on doit être très très clair là-dessus, la pluie n’a pas encore commencé et l’année passée, on n’était pas capable d’assister la moitié des personnes qui ont été affectées par les inondations et vu la tendance de baisse de financement, on est dans une situation où on doit prioriser, faire des choix difficiles. Cela veut dire qu’il y a certaines communautés qui risquent de n’avoir pas d’assistance parce qu’on n’arrive pas à atteindre juste la moyenne. Cela nous amène à nos messages qu’il faut avoir un dialogue pour avoir une cohabitation pacifique pour réduire les besoins humanitaires dans le pays et aller vers le développement.