La crise politico-sécuritaire de 2012-2013 a ébranlé les fondamentaux de l’armée. Les différents régimes de transition ont jeté la base de la refondation de ce corps affecté par des clivages ethniques, le manque de moyens, la corruption etc. Mais si l’idéal était de faire des hommes de rang une armée de métier, les objectifs sont loin d’être atteints et les frustrations continuent leur chemin au sein de la grande muette.
Et pour cause : l’armée est et demeure politisée et toujours dépendante.
L’armée centrafricaine monte en puissance et gagne en effectif grâce à la mise en œuvre du Plan National de Défense qui définit la politique sécuritaire du pays à mettre en œuvre maintenant et dans les années à venir. Mais derrière cette montée en effectif se cache une série de malaises parmi lesquels le non-paiement de la prime globale d’alimentation et le manque d’équipement adéquat de travail.
Jeudi 24 octobre, les militaires en détachement à l’extrême nord ont tiré en l’air pour dénoncer le non-paiement de leur prime globale d’alimentation (PGA). Cette mutinerie dans les rangs de l’armée n’est qu’une partie visible de l’iceberg.
« On nous envoie ici sur le terrain, on est en contact permanent avec l’ennemi mais nous n’avons rien à manger. Nos primes qui devraient nous permettre d’avoir accès au minimum nécessaire ne sont pas versées. Donc c’est l’état-major qui nous livre dans la gueule du lion. Ce n’est pas normal » s’est confié à Gavroche RCA un homme de rang de ce détachement.
L’état-major des Faca donne une autre explication
Pour l’état-major, cette manifestation n’est que la preuve d’une instrumentalisation. Ce mouvement d’humeur survient dans un contexte où le ministre de la Défense a annoncé la suppression de la prime globale d’alimentation. Déclaration faite lors de la rencontre avec les officiers supérieurs de l’armée.
Une déclaration qui suscite des remous au sein de l’armée et qui tente de couvrir la crise latente qui couve.
« L’armée monte certes en puissance mais il faut se demander quelle puissance ? Sur le terrain nos forces sont moins lotis par rapport aux mercenaires de Wagner et aussi les Rwandais. C’est un problème. Nous sommes dans un monde où il faut investir dans le système de défense. Mais force est de constater que l’armée est devenue un tremplin et c’est bien dommage » a indiqué à Gavroche un ancien officier de l’armée sous couvert de l’anonymat.
« Le gouvernement joue avec le feu, mais il minimise le risque parce que simplement les autorités considèrent l’armée nationale comme un outil symbolique. Mais dans les faits, ils ne servent pas à grand-chose. Vous avez d’une part les Rwandais qui s’occupent du renseignement et définissent la stratégie sécuritaire du pays. Plusieurs officiers rwandais sont des commerçants dans le pays. A ceux-ci il faut ajouter les mercenaires russes de Wagner qui ont tout. Pour protéger leur pouvoir, les autorités donnent aux mercenaires russes les ressources naturelles et minières. Donc l’armée est en quelque sorte négligée » a soutenu à Gavroche RCA cet officier.
« Nous avons un sérieux problème au sein de l’armée. Les jeunes fraichement présentés sous le drapeau, dans la réalité sont obligés de prendre un crédit en banque dans le but d’acheter des motos et faire taxi. L’histoire de la PGA est un système que les autorités ne peuvent pas resoudre. Eux tous, ils ont leur compte dedans. Sur le terrain les Russes malmènent les FACA, mais ceux qui tentent de protester contre cela sont arrêtés pour oui ou non. Il faut aller au camp de Roux pour voir que plusieurs officiers sont aux arrêts. Il y a du découragement » a indiqué à Gavroche-RCA un caporal-chef des FACA.
La dépendance des autorités au protectorat étranger créé une crise qui affecte l’appareil sécuritaire. Les mécontentements exprimés sont l’expression d’un malaise profond. Certes l’armée monte en puissance mais les mêmes problèmes que l’armée a connus par le passé sous les précédents régimes demeurent.